
C’est un coup de projecteur inattendu pour l’un des grands espoirs du tennis algérien. Inès Ibbou, 21 ans, a pris le soin d’écrire une longue lettre ouverte, en format vidéo, à l’Autrichien Dominic Thiem. Un document qui constitue une réponse à la sortie médiatique du joueur, qui avait refusé fin avril de participer au fonds de solidarité pour les joueurs mal classés, mis en place par les instances du tennis sur proposition, notamment, du champion serbe Novak Djokovic.
Dans un entretien à la Kronen Zeitung, le joueur autrichien avait expliqué ne pas comprendre pourquoi il « devrait leur donner de l’argent », estimant alors qu' »aucun de ces joueurs mal classés ne lutte pour survivre ». Selon lui, beaucoup ne vivaient pas « de manière professionnelle » et ne donnaient « pas tout au tennis ». « Je préfère donner de l’argent aux personnes ou aux organisations qui en ont vraiment besoin », avait-il conclu.
« Dominique Thiem a le droit de donner de l’argent à qui il veut, je demande simplement du respect pour moi et tous les joueurs ou joueuses qui se sacrifient tous les jours », explique Inès Ibbou dans une interview exclusive accordée à France 24. « Je me suis sentie vraiment insultée et cela m’a touché profondément », ajoute la joueuse, actuellement bloquée à Tunis.
Dans sa vidéo de dix minutes, Inès Ibbou, ancienne top 30 chez les juniors et aujourd’hui 620e mondiale, donne à Dominic Thiem le détail de son parcours chaotique. Elle évoque ses débuts, sur des courts jonchés de cailloux en banlieue d’Alger, les difficultés qu’elle a pu avoir à s’imposer en tant que femme dans le milieu du sport de haut niveau, l’éternel défi consistant à financer une carrière anonyme qui, au final, coûte plus qu’elle ne rapporte. Le tout, déplore-t-elle, en devant accepter de « sacrifier sa vie de famille ».
Sans surprise, cet exposé détaillé lui a valu de nombreuses marques de soutien à travers le monde, dont celles de l’Australien Nick Kyrgios ou de l’ancienne numéro un mondiale Venus Williams, qui lui a même adressé un « You’re my hero… » (« Tu es mon héroïne… »). Visiblement touchée, Inès Ibbou lui a renvoyé le compliment : « Tu as toujours été la mienne, et tu l’es encore plus aujourd’hui. Merci beaucoup, Venus Williams, une légende. »
Cette solidarité a réconforté la jeune joueuse qui espère que « les instances vont prendre conscience que le système ne fonctionne pas bien et qu’il est temps de changer certaines choses ». Inès Ibbou rappelle que tous les joueurs, qu’ils appartiennent au Top 100 ou au Top 1000, font partie du monde du tennis et contribuent à son fonctionnement global. « Nous sommes tous en train de vivre un moment de crise et il faut savoir être solidaires. Il ne s’agit pas que du sport », insiste-t-elle.
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a estimé dimanche que « l’Algérie ne peut se permettre de perdre un talent sportif comme Inès Ibbou, qui est jeune et qui a toute une carrière devant elle dans une spécialité où peu d’Algériens excellent ». Une parole relayée par le ministre algérien de la Jeunesse et des Sports, Sid Ali Khaldi, qui a appelé Inès Ibbou, confinée en Tunisie, pour « lui signifier toute la volonté de l’État à l’accompagner ainsi que tous les sportifs d’élite et les soutenir en vue de réaliser leurs aspirations et ambitions de se mettre en valeur lors des manifestations sportives internationales et faire honneur à l’emblème national ».
France24