Soulèye Malick Sow, ancien technicien de l’aviation, ne vit que par et pour le violon peul (ñañooru en pulaar ou riti en Wolof) depuis soixante-deux ans. Une passion qui lui a valu beaucoup de rencontres lors de ses tournées un peu partout au Sénégal, et surtout, dans la zone sylvopastorale à la rencontre des éleveurs nomades. Natif du quartier Ndioloffène de Saint-Louis (nord) où il a fait ses humanités, le jeune Soulèye a quitté très vite le domicile familial pour accompagner son grand-frère, qui était technicien à Richard-Toll. On était vers 1958 et Sow n’avait alors que huit ans.
Jeune éleveur, il finit par tomber amoureux du violon qui était pratiqué par ses frères. D’ailleurs, ce sont ces derniers qui l’ont beaucoup inspiré à l’époque lors de leurs multiples déplacements dans la brousse à la recherche de pâturages.
Mais, il faudra attendre l’année 1973 avant de le voir maîtriser véritablement le violon. La pratique de cet instrument musical lui vaudra plus tard des invitations dans la zone sylvopastorale et la région de Kaolack. Il y effectue des tournées à l’appel des éleveurs qui vouent un grand amour à cet instrument musical.
Agé de soixante-quatorze ans, le natif de Saint-Louis aura tout connu avec le violon. Cet instrument traditionnel utilisé dans les grandes cérémonies le hisse au rang des grands artistes pulaar, à l’image de Samba Diop Lélé et Amadou Koly Sall.
Soulèye Malick Sow a fondé le groupe ‘’Lambata’’, grâce à l’un de ses frères, Samba Aly, le chef d’orchestre. Ensemble, ils ont joué le violon dans les grandes manifestations culturelles pendant plusieurs années.
Ces manifestations réunissaient d’anciens artistes pulaar, comme Samba Diyé Sall, Sidy Baïlel Thiam, des spécialistes du ‘’wango”, une chorégraphie traditionnelle spécifique du Fouta-Toro.
Aujourd’hui, ils sont peu nombreux les artistes qui jouent encore du violon. Parmi eux, on peut citer Mamadou Fatel Ba qui habite Ndioukoul, une localité du département de Kébémer, Malick Pathé Sow et Issa Mbaye Diari Sow. Ces deux derniers artistes, originaires respectivement de Ndioum (Podor) et Talbakhé (Dagana), sont établis en Belgique.
Le violon servait à animer les cérémonies culturelles. Avant ou après les batailles, il permettait aussi de galvaniser les troupes, a rappelé le ‘’maître du violon’’. Il a rappelé à cet égard la place que cet instrument occupait au temps de Samba Guéladio Diédji, héros de l’épopée peule de la dynastie des guerriers (thiédo) Dényanké.
Il indique que les violonistes ont joué un grand rôle pour accompagner le roi dans la bataille historique de Bilbassi, une bande de terre située sur les berges du fleuve Sénégal, à cheval entre les villages de Diowol Worgo (Sénégal) et Diowol Réwo (Mauritanie).
“Samba ñañooru ”’, ”Sori baylo”, ”huuli yetto suusi joogo gonga’’ (même la peur ne te fait pas reculer, en pulaar), ‘’Garba’’, ‘’Ndonda’’ sont parmi les chants de louange que les artistes entonnaient pour galvaniser les guerriers lors des batailles. Le ‘’Fantang’’ était lui utilisé dans d’autre chorégraphie musicale, comme ”yarmama’’, “hula hota”, ”Daali Demba”.
Selon lui, chaque groupement social, quel que soit son appartenance religieuse, a un air de musique spécifique chez les violonistes. Aux Peuls nomades, par exemple, sont dédiés le ‘’njaaru’’ et le ‘’fantang’’. Chez les torodo, ‘’taara’’ est une chanson dédiée au résistant musulman Cheikh Oumar Foutiyou Tall (1797-1864).
Aujourd’hui, chef de famille et père d’une fille artiste du nom de Fatou Sow qui évolue dans le milieu du show bizz, il dit vouloir transmettre son legs à son enfant. Son souhait en effet est que cet art musical reste et demeure une réalité dans la société sénégalaise.
APS