L’audience devant le tribunal judiciaire de Paris, dont la tenue vendredi 26 février était restée confidentielle jusqu’au petit matin, s’annonçait comme une simple formalité. Vincent Bolloré et deux dirigeants de son groupe, Gilles Alix et Jean-Philippe Dorent, avaient accepté de reconnaître leur culpabilité dans une affaire de corruption au Togo qui leur avait valu d’être mis en examen au cours de l’année 2018, et de consentir au paiement d’une amende de 375 000 euros chacun, sans toutefois que leur condamnation ne soit inscrite à leur casier judiciaire.
La procédure d’homologation, comme ce fut le cas par le passé pour les procédures de comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité présentées par le parquet national financier (PNF), n’apparaissait que de pure forme. C’était donc confiants et convaincus que l’affaire en resterait là que l’industriel et ses conseils avaient pris place dans le prétoire.
Mais la présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez, en a décidé autrement, stupéfiant l’assistance au premier rang de laquelle figuraient M. Bolloré et sa défense.
Mme Prévost-Desprez, qui siège habituellement dans une autre chambre, a ainsi considéré que les peines proposées par le parquet national financier (PNF) et acceptées par les trois mis en cause étaient « inadaptées » et estimé « nécessaire » que les infractions visées, en l’espèce la corruption active d’un agent public étranger et l’abus de confiance, soient jugées devant le tribunal correctionnel dans le cadre d’un procès ordinaire.
Mme Prévost-Desprez a justifié sa décision en soulignant que les faits reprochés « portent gravement atteinte à l’ordre public économique » car ils ont « porté préjudice à la souveraineté de l’état togolais en altérant le fonctionnement régulier de ses institutions ».
La présidente a par ailleurs souligné que les mis en cause avaient également « méconnu le principe fondamental d’égalité de traitement des candidats à la conclusion d’un contrat de marché public ou de délégation de service public ».
Avantages fiscaux
Quelques minutes plus tôt, le milliardaire breton, costume gris, masque FFP2 bleu ciel, s’était avancé à la barre pour décliner son état civil et écouter les faits qui lui étaient reprochés.
A savoir, notamment, d’avoir donné l’instruction à une filiale de son groupe, la société Euro RSCG, devenue depuis Havas, de remplir une mission de conseil et de communication auprès du président togolais Faure Gnassingbé, dans le cadre de la campagne pour sa réélection à la présidence, en mars 2010.
Mission dont le coût a été sous-facturé, supporté pour les trois quarts – soit 300 000 euros – par une autre filiale du groupe, dans l’objectif que le président du Togo accorde une série d’avantages conséquents au groupe Bolloré dans l’exploitation des concessions portuaires de la capitale Lomé.
Lemonde