Pris au piège de la guerre lancée par la Russie et tentant de fuir le pays comme des centaines de milliers d’Ukrainiens, de nombreux ressortissants africains -pour la plupart étudiants- ont dénoncé des comportements racistes à la frontière entre l’Ukraine et ses pays voisins, dont la Pologne. Face à cela, des États d’Afrique tentent de les aider. L’Union africaine (UA) a réagi, ce lundi 28 février, en se disant “préoccupée” sur la façon potentiellement “choquante et raciste” dont sont traités les Africains cherchant à fuir l’Ukraine.
Le chef d’État sénégalais Macky Sall, président en exercice de l’UA, et le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, ont dit être “particulièrement préoccupés par les informations rapportées selon lesquelles les citoyens africains, se trouvant du côté ukrainien de la frontière, se verraient refuser le droit de traverser la frontière pour se mettre en sécurité”. Ils “exhortent tous les pays à respecter le droit international et à faire preuve de la même empathie et du même soutien envers toutes les personnes qui fuient la guerre, nonobstant leur identité raciale”.
“Des informations regrettables” indiquent que “la police ukrainienne et le personnel de sécurité refusent de laisser les Nigérians monter dans les bus et les trains” vers la Pologne, a déclaré le porte-parole de la présidence nigériane Garba Shehu.
Citant une vidéo “qui circule largement sur les réseaux sociaux”, il a évoqué le cas d’“une mère nigériane avec son jeune bébé [qui] a été filmée en train d’être forcée physiquement de céder son siège à une autre personne”. Il a également fait état d’autres informations selon lesquelles des fonctionnaires polonais ont refusé l’entrée en Pologne à des citoyens nigérians en provenance d’Ukraine.
“Tous ceux qui fuient une situation de conflit ont le même droit au passage”
“Il est primordial que chacun soit traité avec dignité et sans faveur”, a-t-il insisté. “Tous ceux qui fuient une situation de conflit ont le même droit au passage en toute sécurité en vertu de la convention des Nations unies, et la couleur de leur passeport ou de leur peau ne devrait faire aucune différence.”
Selon le porte-parole du ministère sud-africain des Affaires étrangères, Clayson Monyela, un groupe de Sud-Africains, majoritairement des étudiants, restent coincés à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne.
L’ambassadeur d’Afrique du Sud était sur place pour tenter de les aider à franchir la frontière, a ajouté M. Monyela qui a déclaré dimanche que les Africains y étaient victimes de “mauvais traitements”.
Des accusations de racisme rejetées, notamment par l’ambassadrice de Pologne au Nigeria, Joanna Tarnawska. “Tout le monde reçoit un traitement égal”, a-t-elle affirmé à des médias locaux, assurant que “selon les informations dont je dispose, certains ressortissants nigérians ont déjà franchi la frontière avec la Pologne”.
Elle a également indiqué que les documents d’identité invalides sont acceptés pour franchir la frontière et les restrictions liées au Covid-19 ont été levées. Les Nigérians disposent d’un délai de 15 jours pour ensuite quitter le pays, a-t-elle ajouté.
500 ressortissants ivoiriens en Ukraine
De leur côté, certains Nigérians qui ont réussi à franchir la frontière ont décrit leur voyage dans l’obscurité jusqu’aux frontières bondées où des fonctionnaires donnaient la priorité aux femmes et enfants ukrainiens.
Parmi eux, Stéphanie Agekameh, étudiante en médecine désormais en Pologne, a affirmé que les responsables du poste-frontière de Medyka s’occupaient d’abord des Ukrainiens. “Un des officiers est venu et nous a dit que c’est plus dur pour nous, les étrangers, parce qu’ils doivent contacter notre gouvernement dans différents pays”, a-t-elle déclaré.
Depuis le début de l’offensive russe, plus de 500.000 Ukrainiens ont gagné des pays frontaliers, dont la moitié ont rejoint la Pologne, selon l’ONU. Pour l’heure, plus de 260 Nigérians ont été accueillis par les ambassades, éparpillés entre Roumanie, Hongrie et Pologne. Près de 200 autres étaient attendus lundi, d’après le ministère nigérian des Affaires étrangères.
Le ministre des Affaires étrangères de République démocratique du Congo (RDC), Christophe Lutundula, a, quant à lui, affirmé qu’il recevrait mardi l’ambassadeur de Pologne pour favoriser le passage de quelque 200 ressortissants de RDC actuellement en Ukraine. “Ils sont à la frontière où on n’accepte pas qu’ils accèdent à ces pays” voisins, a affirmé le ministre à une radio locale.
Le gouvernement ghanéen a, pour sa part, déclaré qu’il rencontrerait les parents des étudiants bloqués en Ukraine et a envoyé des fonctionnaires de l’ambassade aux postes frontaliers pour les aider.
La Côte d’Ivoire, qui compte environ 500 ressortissants en Ukraine d’après les médias locaux, a également indiqué prendre des dispositions pour leur évacuation.
D’après le ministère kényan des Affaires étrangères, 201 Kényans sont en Ukraine, majoritairement des étudiants. Le ministère a récemment indiqué qu’ils étaient tous sains et saufs, même si certains restaient bloqués à la frontière polonaise en raison de restrictions de visa. Sur Twitter, le hashtag #AfricansinUkraine a émergé depuis de le début de l’invasion avec des témoignages qui dénonçaient le sort des étudiants, notamment originaires d’Afrique subsaharienne.
AFP et Huffingtonpost