Deux jours après les violences qui ont endeuillé le Capitole et ébranlé l’Amérique, Donald Trump se trouvait vendredi 8 janvier totalement isolé, potentiellement sous le coup d’une nouvelle procédure de destitution et privé de son canal de communication favori, Twitter. Le réseau social a frappé un grand coup en annonçant suspendre « de façon permanente » le compte du président républicain, caisse de résonance du Trumpisme et outil sur lequel il a bâti son ascension politique. Après avoir suspendu son compte durant 12 heures mercredi, Twitter a dit prendre cette mesure inédite face au « risque de nouvelles incitations à la violence ».
Reclus dans la Maison Blanche, lâché par nombre de ténors républicains, c’est justement d’un tweet, laconique, qu’il avait annoncé qu’il n’assisterait pas, contrairement à la tradition, à la cérémonie d’investiture de son successeur. Ce message lourd de symbole restera le dernier de @realDonaldTrump et ses environ 88 millions d’abonnés au moment de sa suspension.
Un « président déséquilibré »
Son absence le 20 janvier « est une bonne chose », lui a répondu Joe Biden, lors d’un échange avec les journalistes depuis son fief de Wilmington, tout en soulignant que le vice-président Mike Pence serait, en revanche, le bienvenu à la cérémonie d’investiture. « Mon objectif principal est de rassembler le pays », a déclaré le président élu, en évitant soigneusement d’entrer dans le débat sur un départ anticipé du milliardaire républicain.
De son côté, la cheffe des démocrates au Congrès américain Nancy Pelosi a déclaré s’être entretenue avec l’armée américaine pour s’assurer que Donald Trump, un « président déséquilibré », ne puisse pas utiliser les codes nucléaires.
Les drapeaux du Capitole ont été mis en berne après le décès d’un policier qui avait été blessé lors des affrontements avec des pro-Trump, portant le bilan total des violences de mercredi à cinq morts.
« Partez à Mar-a-Lago »
Certains de ses détracteurs estiment que le plus simple serait que le 45e président se taise et laisse de facto le vice-président Mike Pence aux commandes jusqu’au 20 janvier.
Pour Jeh Johnson, ancien ministre de la Sécurité intérieure, toute personne ayant un peu d’influence sur Donald Trump devrait lui faire passer un message simple : « Montez dans Air Force One, partez à Mar-a-Lago et restez-y. » « Moins il en fera sur les 12 derniers jours, mieux ce sera », a estimé en écho le sénateur républicain Ben Sasse sur la radio NPR.
Le Wall Street Journal, propriété du magnat Rupert Murdoch, qui fut un allié de Donald Trump, a appelé dans un éditorial ce dernier à prendre ses responsabilités et à démissionner. Une première sénatrice, Lisa Murkowski, en a fait de même, assénant : « Je veux le voir partir. »
Les dirigeants démocrates ont exhorté Mike Pence à déclarer, avec une majorité du gouvernement, que Donald Trump était « inapte » à remplir ses fonctions, sur la base du 25e amendement de la Constitution. Mais le vice-président n’y est pas favorable parce qu’il craint d’aggraver les tensions, selon un de ses proches cité dans le New York Times.
Articles d' »impeachment »
Dans ce contexte, des élus démocrates à la Chambre des représentants se préparaient eux à présenter, possiblement dès lundi, des articles de mise en accusation (« impeachment »).
Selon un projet de document publié par plusieurs médias américains, les élus reprocheraient en particulier au locataire de la Maison Blanche d’avoir « délibérément fait des déclarations qui ont encouragé (…) des actes illégaux au sein du Capitole ».
« Le comportement du président Trump le 6 janvier 2021 était dans la droite ligne de ses efforts précédents visant à faire obstruction à la certification des résultats de l’élection présidentielle de 2020 », peut-on encore lire. « Ce faisant, le président Trump (…) a menacé l’intégrité du système démocratique », ajoute le texte.
Le chef de la minorité républicaine à la Chambre, Kevin McCarthy, a mis en garde les démocrates, estimant qu’ouvrir une telle procédure contre Donald Trump ne ferait « que diviser le pays encore plus ».
Pour destituer Donald Trump, il faudrait ensuite qu’il soit jugé coupable par les deux tiers du Sénat, ce qui n’a aucune chance de se produire avant la prestation de serment de Joe Biden, le 20 janvier.
Reste qu’un second « impeachment », après l’échec d’un procès en destitution début 2020, laisserait une marque indélébile sur son bilan : aucun président américain n’a subi cette infamie.
AFP et France24