« Je respecte les consignes, je vais à l’école, j’ai un patron prêt à m’embaucher. Je ne vois pas ce que je peux faire de plus… » A 20 ans, Bafodé s’apprête à passer son bac pro dans le secteur du maraîchage. Mais le Guinéen, arrivé à Nantes en juillet 2016, ne pourra pas entrer dans la vie active s’il n’obtient pas rapidement un titre de séjour avec autorisation de travail. Il y a deux ans, alors qu’il avait déjà effectué plusieurs stages en entreprise, il a reçu une obligation de quitter le territoire français. Depuis, le recours qu’il a déposé est toujours en cours d’instruction. « Son avenir est bloqué, se désole Jeannine, qui héberge celui qu’elle décrit comme « honnête et serviable ». Cette situation est absurde, surtout lorsque l’on sait le besoin en main-d’œuvre qu’il y a dans ce secteur. »
Alors qu’une pétition a été lancée pour Bafodé, des dizaines de cas similaires, plus ou moins médiatisés, semblent émerger. Après la grève de la faim d’ un boulanger à Besançon, qui a depuis monté le collectif Patrons solidaires, des mobilisations sont nées un peu partout en France. Le mois dernier, une tribune lancée par soixante associations a été publiée par le journal Le Monde, pour alerter de ce « terrible gâchis humain et social ». Dans ce texte, signé par 200 personnalités telles qu’Omar Sy, Agnès Jaoui ou Lilian Thuram, il est demandé de « faire cesser la suspicion généralisée qui pèse sur de nombreux jeunes dont les actes d’état civil sont régulièrement contestés, alors que leur identité a été confirmée », ou encore à « cesser d’exiger des documents impossibles à présenter ».
C’est ce qui est arrivé à Idriss, arrivé à Nantes en 2017. Malgré « un passeport délivré par l’ambassade » de Côte d’Ivoire, sa minorité n’a été reconnue par le juge des enfants que « trois semaines avant ses 18 ans », raconte-t-il. Une décision qui n’a pas protégé ce jeune, désormais majeur, d’une obligation de quitter le territoire, reçue il y a quelques mois. « Entre-temps, j’ai eu mon CAP en maintenance automobile, mon patron m’avait proposé du travail. Ce n’était pas possible sans les papiers donc j’ai continué en bac pro, explique-t-il. Là, j’attends une réponse du tribunal pour la suite… »
« Un titre de séjour protecteur et stable »
Ce sont ces refus successifs qui ont aussi décidé Prince Joseph à poursuivre ces études. Celui qui a obtenu un CAP d’agent de propreté s’apprête à en passer un second, dans le domaine de la maçonnerie cette fois. Lui aussi assure avoir transmis à la préfecture la promesse d’embauche d’une entreprise, sans succès pour l’instant. « Pour déposer une demande, il faut justifier de six mois de formation, énonce-t-il. Moi, j’en suis à deux CAP… Combien de temps vais-je encore devoir attendre ? »
Face à ces situations, les associations signataires de la tribune demandent que ces jeunes puissent « poursuivre la vie qu’ils ont entamée en obtenant aisément un titre de séjour protecteur et stable ». Si certains d’entre eux l’obtiennent, d’autres se voient octroyer par la préfecture une autorisation provisoire de séjour, de six mois ou d’un an, comme ce fut le cas récemment pour un apprenti-charpentier nantais. « Mais ce n’est pas une promesse de régularisation, estime Christine Bernazeau, de la Ligue des droits de l’Homme. C’est uniquement un moyen de calmer le jeu. »
20minutes