
Les bombes nucléaires américaines doivent-elles quitter le sol allemand ? Cette question et le débat qu’elle suscite ont a été relancés ce dimanche en Allemagne, créant des remous au sein du gouvernement d’Angela Merkel.
C’est l’un des deux présidents du parti social-démocrate (SPD), partenaire de la coalition aux côtés des conservateurs de la chancelière, qui a jeté le pavé dans la mare.
« Je défends une position claire contre le stationnement, la mise à disposition et, bien sûr, l’utilisation d’armes nucléaires« , a déclaré Norbert Walter-Borjans dans l’édition dominicale du quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung.
Un autre responsable social-démocrate, Rolf Mützenich, président du groupe parlementaire, a jugé que « les armes nucléaires sur le sol allemand ne renforcent pas notre sécurité, bien au contraire« .« Il est temps que l’Allemagne exclue à l’avenir leur stationnement« , a-t-il ajouté dimanche dans le journal Tagesspiegel.
A la suite d’une série de désastres électoraux, le parti social-démocrate a opté l’an dernier pour un virage à gauche et a élu une direction du mouvement en ce sens.
Il espère, en défendant une ligne pacifiste et anti-nucléaire, convaincre l’électorat le plus à gauche en Allemagne et remonter dans les sondages : il n’a plus aujourd’hui que 16% d’intentions de vote, contre 38% pour les conservateurs.
L’offensive se focalise sur le projet de renouvellement de la flotte allemande d’avions de chasse Tornado bientôt obsolète. Ce biréacteur, construit par le consortium Panavia formé par l’Allemagne, le Royame-Uni et l’Italie, a été mis en service au début des années 80.
En Allemagne, ces appareils ont notamment pour mission de transporter des bombes nucléaires américaines dans le cadre de la force de dissuasion de l’Otan en Europe, selon le principe du « partage nucléaire« .
Le co-président du SPD a dit s’opposer « à l’acquisition de chasseurs de remplacement chargés de transporter des bombes nucléaires« , ce qui signifierait une rupture radicale de la politique de sécurité allemande reposant sur le parapluie nucléaire américain.
Pour remplacer les Tornado, la ministre conservatrice de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, vient de recommander l’achat de 45 F-18 américains destinés à poursuivre le transport des armes nucléaires américaines, aux côtés de 93 Eurofighter, non conçus pour le faire.
Du côté des conservateurs d’Angela Merkel, cette remise en cause suscite l’indignation. « Le SPD évolue en plein Nirvana en matière de politique de sécurité« , a dit l’un de ses élus, Patrick Sensburg, au quotidien Handelsblatt.
Le SPD oublie « que les armes nucléaires américaines servent en premier lieu à notre protection« , a-t-il ajouté, et s’il continue sur cette voie « nos partenaires internationaux vont douter de la capacité de l’Allemagne à remplir son rôle à l’avenir dans l’architecture de sécurité transatlantique« .
Toutefois, une voix discordante s’est faite entendre au SPD. Et non des moindres. En effet ce lundi, le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas interrogé par l’hebdomadaire Der Speigel, a déclaré que les positions avancées par ces responsables du SPD seraient « unilatérales. Elles endommagent la confiance de nos partenaires et voisins européens », en ajoutant qu' »elles ne nous rapprochent pas d’un monde sans armes nucléaires. Tout au contraire, elles affaiblissent nos alliances.«
Actuellement, les Etats-Unis disposent en Europe d’un nombre de bombes nucléaires estimé à 150 environ, dans le cadre de l’Otan. Elles sont entreposées notamment en Belgique, aux Pays-Bas et en Italie. En Allemagne, une vingtaine de têtes nucléaires seraient stockées à Büchel, dans le sud-ouest du pays, où se trouve une base de la Luftwaffe.
Leur présence a depuis longtemps été un sujet de discorde dans le pays, notamment lors de la crise dite des euromissiles en Europe dans les années 1980 dans un contexte de recrudescence de la guerre froide.
Des centaines de milliers d’Allemands avaient à l’époque manifesté contre le déploiement de missiles Pershing II par l’Otan, face aux nouveaux missiles SS20 de l’Union soviétique à l’Est.
AFP