L’initiative a fait la fierté des Marocains et l’admiration de responsables politiques dans le monde. Depuis le mois de mars, le royaume s’est lancé dans la fabrication de masques grand public 100 % marocains, vendus 0,07 euro l’unité. Sous l’impulsion du ministère de l’industrie et grâce aux subventions du fonds spécial d’urgence abondé par l’Etat et par des donations, dix-neuf usines de textile locales se sont reconverties pour produire des unités à partir de matériau non tissé. Un exploit qui a permis au Maroc, qui comptait au 1er mai 4 423 cas decontamination au nouveau coronavirus et 170 décès, de rendre le port du masque obligatoire depuis le 7 avril.
Mais, dès les premiers jours, une série de couacs est venue plomber la belle opération. Distribués dans un premier temps dans les grandes surfaces par paquets de 50 et de 100, les millions de masques promis par le gouvernement pour couvrir les besoins de la population se sont comme évaporés. « Avec un tarif aussi bas, les employés du supermarché et les clients ont acheté des dizaines de paquets pour les stocker ou revendre les masques trois fois plus cher que le prix réglementaire, sans emballage et à l’unité. Vous imaginez les conséquences sanitaires, raconte, dépité, le responsable d’une grande enseigne à Casablanca. Et puis, au fur et à mesure, on en a reçu de moins en moins, jusqu’à ne plus en recevoir du tout. Il paraît qu’il y a des magouilles dans le circuit de distribution. »
Spéculation, fraude, défaut de qualité, pression des industriels… Les rumeurs sur la disparition des masques grand public sont allées bon train, alimentant la confusion. « On nous disait à la télé que plusieurs millions de bavettes étaient fabriquées chaque jour, mais il était presque impossible d’en trouver, témoigne Hakim Bensaïd, jeune consultant en informatique. Alors, on réutilisait d’anciens masques, même s’ils ne sont valables que quelques heures. Ou alors, on mettait une écharpe sur le nez. Tant pis, personne n’a envie de se faire arrêter. » Au Maroc, tous ceux qui ne portent pas de masque de protection sont soumis aux sanctions prévues pour les infractions au confinement : un à trois mois de prison et une amende de 1 300 dirhams (environ 115 euros).
Lemonde