C’est désormais l’horizon que se fixe l’Union africaine (UA) pour vacciner au moins 60 % de la population du continent. Si 22 pays ont commencé à recevoir leurs premières doses grâce au mécanisme de solidarité internationale Covax, parvenir à cet objectif dès cette année, comme cela avait été initialement envisagé, apparaît hors de portée. Le directeur du Centre de contrôle et de prévention des maladies de l’UA (Africa CDC), John Nkengasong, a annoncé lors de son point de presse hebdomadaire, jeudi 11 mars, qu’une campagne baptisée « Vaccinate Africa 2022 » serait lancée dans les prochaines semaines, dans l’esprit d’« unité » que met en avant l’institution panafricaine depuis le début de la pandémie.
« Aucun pays ne doit être laissé derrière », a-t-il insisté. Sinon, « le monde sera vacciné et les Africains subiront des restrictions dans leur circulation ». La campagne doit mobiliser les populations en les invitant à venir se faire vacciner massivement dans de grands centres de vaccination qui seront installés notamment dans les stades.
LE MAROC, NUMÉRO UN DE LA VACCINATION EN AFRIQUE
Pas moins de 4 millions de Marocains (sur 36 millions d’habitants) avaient reçu une première injection et 854 000 une seconde à la date du 10 mars, classant le royaume chérifien dans la liste des dix pays dans le monde qui ont le plus vacciné contre le Covid-19 à ce jour. Le pays s’est fixé pour objectif de protéger 70 % de sa population. La campagne lancée fin janvier a d’abord ciblé les personnels de santé de plus de 40 ans, les autorités, les enseignants de plus de 45 ans et les personnes âgées de plus de 75 ans. Fin février, la vaccination, gratuite et non obligatoire, a été étendue aux plus de 60 ans.
Quelque 8,5 millions de doses de vaccins ont été reçues du laboratoire anglo-suédois AstraZeneca-Oxford et du chinois Sinopharm, avec le lequel le gouvernement avait passé contrat à l’été 2020 pour que soit réalisée localement la troisième phase de tests. Cela a permis au Maroc d’être approvisionné en priorité. Avec 487 750 cas de contaminations enregistrés depuis un an, le Maroc est, après l’Afrique du Sud, le pays le plus touché du continent par la pandémie.
L’ÎLE MAURICE SE RECONFINE POUR QUINZE JOURS
L’augmentation des contaminations a contraint le gouvernement mauricien à décréter une nouvelle période de confinement de deux semaines, du 10 au 25 mars. Si le nombre total de cas (711) reste modeste, plusieurs clusters ont été localisés sur l’île, où les variants anglais et sud-africain sont présents. L’ouverture des commerces non essentiels, comme celle des supermarchés, est autorisée par rotation, selon un ordre alphabétique. Les rassemblements religieux et culturels sont interdits. L’espace aérien est de nouveau fermé.
Le pays, très dépendant du tourisme, avait déjà imposé de fortes restrictions aux activités et à la circulation des personnes pour faire face à la première vague de l’épidémie, au printemps 2020. Il a commencé sa campagne de vaccination fin janvier grâce à un don de 100 000 doses de l’Inde.
LARGE CONSENTEMENT AU VACCIN EN ETHIOPIE, PRUDENCE EN RDC
La vaccination contre le Covid-19 est très diversement accueillie en Afrique, selon une étude menée par l’Africa CDC dans quinze pays et rendue publique jeudi. Au moins 1 000 personnes ont été interrogées en face à face ou par téléphone dans chacun de ces pays entre août et septembre 2020. Si 94 % des Ethiopiens approuvent l’idée de se faire vacciner, seulement 59 % des sondés en République démocratique du Congo (RDC) l’envisagent favorablement. Ils sont 76 % au Nigeria, pays le plus peuplé du continent.
Ceux qui rejettent le vaccin expriment des doutes sur son innocuité. Le fait de percevoir le virus comme une menace exagérée et lointaine influe également sur les réponses. Cette perception est en particulier répandue au Niger (79 %), au Soudan (73 %) et au Nigeria (67 %). Elle est moindre en Tunisie ou au Maroc.
Dans les quinze pays, moins d’une personne interrogée sur cinq déclare connaître personnellement une personne testée positive. Les auteurs de l’enquête précisent cependant que les questionnaires ont été conduits au cours d’une période où le nombre de tests était très faible sur le continent et avant une deuxième vague épidémique plus forte et plus meurtrière.
L’enquête fait également état dans les quinze pays d’une forte propension à la désinformation ou à la publication d’informations inexactes. Près d’un sondé sur deux considère que le Covid-19 est un « événement planifié par les étrangers ».
JOHN MAGUFULI RATTRAPÉ PAR LE CORONAVIRUS ?
L’état de santé du président tanzanien, John Magufuli, qui n’est plus apparu publiquement depuis le 27 février, suscite toutes les spéculations dans le pays. Parmi elles, une possible contamination par le SARS-CoV2, qui aurait conduit à l’évacuation du dirigeant vers le Kenya.
Le quotidien kényan Daily Nation a rapporté mercredi qu’un « dirigeant africain » dont le « gouvernement est resté catégorique contre l’application de mesures de santé publique telles que le port du masque, la désinfection et l’interdiction des grands rassemblements » avait été admis dans un hôpital de Nairobi. Interrogé par l’AFP, un responsable de l’établissement a nié avoir connaissance de cette admission. De son côté, le gouvernement tanzanien n’a pas répondu à la demande d’information de membres de l’opposition.
John Magufuli, 61 ans, qui a été réélu en octobre 2020, minimise depuis un an la gravité de l’épidémie. Il a rejeté toute mesure pour contrôler la propagation du virus et n’a pas planifié de campagne de vaccination. Devant la hausse des contaminations et le décès de plusieurs personnalités, son discours s’est toutefois infléchi ces dernières semaines. Aucun chiffre permettant d’évaluer la situation n’a été publié depuis avril 2020.
Lemonde