Il serait prématuré de croire que l’Afrique sera épargnée par le Covid-19 : auditionné mercredi 20 mai par la commission des affaires étrangères du Sénat, le docteur John Nkengasong, directeur du Centre africain de prévention et de contrôle des maladies (CDC), s’est montré des plus prudent sur l’évolution de l’épidémie sur le continent. Les données disponibles sont, pour cet observateur privilégié, trop parcellaires pour imaginer qu’elles reflètent la réalité. Selon les chiffres publiés la veille par le CDC, l’Afrique comptait 88 172 cas et 2 834 décès. « Le nombre de morts a augmenté de 30 % en une semaine », a-t-il mis en garde pour tempérer tout triomphalisme prématuré en rappelant aux sénateurs que la situation de pays comme le Brésil avait rapidement basculé.
Le manque de tests reste le problème le plus criant pour permettre une évaluation mieux étayée de la situation. « 1,3 million de tests seulement ont été réalisés sur une population de près de 1,3 milliard d’habitants, a rappelé M. Nkengasong. Il en faudrait dix fois plus. » L’Union africaine dont dépend le CDC souhaite y parvenir d’ici « deux à trois mois ». La formation d’un million de travailleurs communautaires capables de tracer les personnes contaminées et leurs contacts ainsi que la création d’une plateforme commune d’achat des médicaments sont les deux autres objectifs que se sont fixés les gouvernements africains dans leur plan d’action coordonnée, dont le coût est estimé à 600 millions de dollars (547 millions d’euros).
Pour l’épidémiologiste camerounais, il est ainsi fort probable que les pays qui apparaissent comme les plus touchés – Afrique du Sud, Egypte, Algérie, Maroc – ne se démarquent qu’en raison de leur meilleure capacité de détection du coronavirus. S’ils n’émergent pas encore dans les statistiques, la Somalie ou le Soudan du Sud suscitent ainsi « la plus grande inquiétude » en raison de la fragilité extrême des systèmes de santé et des difficultés à se déployer sur des terrains dominés par la violence.
Lemonde