Silence, ça tourne. Dans la cour ombragée d’une maison qui date des années 1950, un véritable plateau de cinéma s’est installé en plein cœur de la ville de Thiès, à 70 kilomètres à l’est de Dakar. Assis sur une natte et des tabourets, des acteurs jouent une scène de repas familial dans le Mali du début des années 1960, à l’époque de l’indépendance. Autour, les cadreurs, preneurs de son, assistants et le réalisateur français Robert Guédiguian sont tous masqués.
Entre deux prises, une « responsable Covid-19 » asperge leurs mains de lotion hydroalcoolique, avant de leur donner un nouveau masque. « C’est pénible, avec cette chaleur, mais nous appliquons les consignes sanitaires du cinéma français », explique le réalisateur, qui ajoute que les tests hebdomadaires de toute l’équipe sont tous revenus négatifs.
Trop dangereux de tourner au Mali
Le cinéaste marseillais tourne au Sénégal son vingt-deuxième film. Il raconte l’histoire d’amour entre Lara, une jeune fille de la campagne malienne qui fuit un mariage forcé, et Samba, un militant socialiste de Bamako, dans le contexte de la décolonisation. Une histoire inspirée du travail photographique de Malick Sidibé, portraitiste malien. C’est un de ses clichés qui a marqué Robert Guédiguian : celui d’un jeune couple qui danse, l’homme dans son costume blanc et la femme pieds nus.
Car cette période de transition révolutionnaire sous Modibo Keïta, leader de l’indépendance, était aussi une période festive, où les jeunes dansaient toute la nuit dans les clubs de la capitale. Mais impossible de tourner ces scènes dans le Mali actuel, rongé par l’insécurité. « Je ne voulais pas prendre de risques. Un film n’aura jamais plus de valeur qu’une équipe, qui est une proie facile à identifier pour un djihadiste, car nous sommes nombreux, en partie européens, à rester au même endroit pendant des semaines », explique le réalisateur.
Lemonde