La journaliste Natacha Polony va être jugée devant le tribunal correctionnel de Paris pour contestation du génocide au Rwanda, a appris l’Agence France-Presse (AFP), vendredi 18 décembre, de sources concordantes, confirmant une information de Jeune Afrique. Dans une ordonnance du 11 décembre, un juge d’instruction a, contre l’avis du parquet, renvoyé en procès la chroniqueuse pour « contestation de l’existence de crime contre l’humanité par parole, écrit, image ou moyen de communication au public par voie électronique ».
Lors d’une émission sur France Inter le 18 mars 2018, Mme Polony, qui est aussi directrice de la rédaction de l’hebdomadaire Marianne, avait déclaré, en parlant du génocide perpétré au Rwanda en 1994, qu’il était « nécessaire de regarder en face ce qui s’est passé à ce moment-là et qui n’a rien finalement d’une distinction entre des méchants et des gentils ».
« Malheureusement, on est typiquement dans le genre de cas où on avait des salauds face à d’autres salauds (…). C’est-à-dire que je pense qu’il n’y avait pas d’un côté les gentils et de l’autre les méchants dans cette histoire », avait-elle ajouté.
L’association de soutien aux victimes du génocide rwandais Ibuka et la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) avaient porté plainte, avec constitution de partie civile, contre la journaliste, le 27 juillet de la même année.
Premier procès sur une négation du génocide des Tutsis
« C’est violent, ce n’est pas une accusation anodine », a réagi l’intéressée auprès de l’AFP. « Si vous écoutez l’émission, vous voyez que, trois phrases plus loin, je dis : “Mais bien sûr qu’il y a eu un génocide” », a ajouté Mme Polony. « Bien sûr qu’il y a eu génocide, je ne parlais pas des populations, il était question des responsabilités des dirigeants. »
Pour son avocat, Me Jean-Yves Dupeux, il s’agit d’« un renvoi automatique en matière de droit de la presse qui ne traduit pas du tout l’existence de charges ». « Du reste, le parquet avait pris des réquisitions de non-lieu, estimant qu’il n’y avait pas de charge », a-t-il fait valoir.
Il pourrait s’agir du premier procès sur une négation du génocide des Tutsi. Depuis janvier 2017, la loi sur la liberté de la presse punit le fait de nier, de minorer ou de banaliser de façon outrancière tous les génocides reconnus, et pas seulement celui des Juifs pendant la seconde guerre mondiale.
Selon l’Organisation des Nations unies, environ 800 000 personnes, essentiellement dans la minorité tutsi, ont été tuées en trois mois lors de massacres déclenchés après l’attentat contre l’avion du président Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994.
AFP et Lemonde