Le premier ministre d’Ethiopie Abiy Ahmed a admis mardi 23 mars la présence de troupes érythréennes dans la région du Tigré, jugeant « inacceptables » les atteintes aux civils qui ont pu être commises dans cette zone frontalière en proie aux combats depuis novembre 2020. La présence au Tigré de troupes venues d’Erythrée avait été rapportée par des habitants, des ONG et certains diplomates, mais était démentie depuis des mois par les autorités des deux pays.
Le premier ministre éthiopien a lancé le 4 novembre une intervention militaire visant à renverser le parti au pouvoir dans cette région du nord du pays, le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), dont il a accusé les forces d’avoir attaqué des bases de l’armée fédérale. Il a proclamé la victoire le 28 novembre, mais les combats s’y sont poursuivis.
Ces dernières semaines, des habitants du Tigré ont livré d’effrayants récits de massacres et de violences sexuelles à grande échelle perpétrés par les forces progouvernementales, éthiopiennes comme érythréennes.
« Tirs de roquettes »
Face aux parlementaires, Abiy Ahmed a reconnu l’existence d’abus, de la part des deux armées. « La guerre est destructrice, elle fait beaucoup de mal. Il y a eu des dégâts dans la région de Tigré. Malgré la propagande et les mensonges, des informations indiquent qu’il y a eu des viols et des pillages de propriétés », a-t-il déclaré.
M. Abiy a affirmé que l’Erythrée avait fait « une faveur » à l’Ethiopie en intervenant dans le conflit, sans toutefois expliciter si cette intervention avait été menée à sa demande ou non.
« Cependant, après que l’armée érythréenne a traversé la frontière et opéré en Ethiopie, tout dommage qu’elle a causé à notre peuple est inacceptable, a-t-il poursuivi. Nous ne l’acceptons pas parce que c’est l’armée érythréenne, et nous ne l’accepterions pas s’il s’agissait de nos soldats. La campagne militaire était contre nos ennemis clairement ciblés, pas contre le peuple. Nous en avons discuté quatre ou cinq fois avec le gouvernement érythréen. »
Le chef du gouvernement éthiopien a expliqué que les autorités érythréennes ont justifié leur implication dans le conflit par des « tirs de roquettes » du TPLF depuis l’autre côté de la frontière. « L’Erythrée nous a dit qu’elle avait des problèmes de sécurité nationale et que, par conséquent, elle s’était emparée des zones à la frontière », a affirmé M. Abiy.
Haine tenace
Le gouvernement érythréen fait valoir, selon M. Abiy, que ses soldats se sont emparés de tranchées situées à la frontière, creusées pendant la guerre frontalière de 1998-2000, et qui avaient été abandonnées par les soldats éthiopiens. Selon ce dernier, Asmara a promis d’en partir si les soldats éthiopiens revenaient dans ces tranchées. Le conflit, qui avait fait quelque 80 000 morts, s’est déroulé alors que le TPLF était au pouvoir en Ethiopie.
Les deux pays se sont rapprochés à partir de 2018 à l’initiative d’Abiy Ahmed, récompensé du prix Nobel de la paix en 2019. Mais la haine reste tenace entre les autorités érythréennes et le TPLF. Les troupes érythréennes sont accusées d’atrocités dans la région.