
Dans la capitale, les habitants avaient interdiction de sortir de chez eux de 15 heures à 7 heures du matin, une restriction passée ce vendredi de 17h à 7h du matin, suite à un allégement du confinement proposé par le Premier ministre.
En Algérie, malgré l’augmentation des activités culturelles depuis quelques années, chacun rentre rapidement chez soi une fois la nuit tombée. A l’inverse, durant le mois de ramadan, les rues restent animées jusqu’à l’aube. « C’est le seul moment où tu peux aller au concert tous les soirs, où tu as le luxe d’avoir le choix », résume Abderrahmane, 37 ans. En 2019, alors que le mouvement de protestation pour un changement de régime, le Hirak, entrait dans son quatrième mois, le Théâtre national d’Alger avait organisé 13 représentations pendant cette période, et l’Opéra, dix spectacles.
Cette année, tout est annulé. Les opérateurs étatiques proposent une alternative : la diffusion sur YouTube de pièces de théâtre, concerts ou rencontres littéraires. De nombreux acteurs du privés, eux, ont attendu le dernier moment pour espérer limiter les dégâts. L’organisation du festival Algé’rire a annoncé le 20 avril que les quatre spectacles prévus dans la capitale ne pourraient se tenir aux dates prévues, publiant sur son communiqué des dessins représentant les gestes barrières contre la propagation de l’épidémie.
« L’impact est très important pour les organisateurs de manifestations culturelles », explique Aziz Hamdi, membre du Groupe de travail sur la politique culturelle en Algérie. Lui-même a dû annuler un tournoi de tennis qui devait rassembler une centaine de sportifs. Les entreprises d’événementiel, de publicité, de communication et d’audiovisuel se voient privées de la période « la plus importante de l’année ».
Tout comme les artistes. « C’est simple, mon revenu pour ce mois, ce sera zéro, raconte Redouane, musicien, père de deux enfants en bas âge. Habituellement, on joue plus de 25 soirs pendant le ramadan et ça représente environ 40 % de mon revenu annuel. » Pour « passer le temps », il enregistre des morceaux avec des amis musiciens confinés en Algérie ou à l’étranger. « Je ne panique pas, parce que j’ai des économies. Si on reste en bonne santé, c’est l’essentiel. Mais il faudra gagner plus d’argent après », anticipe-t-il. Le ministère de la culture a proposé une aide financière aux artistes. Vingt jours après s’être inscrit pour la recevoir, Redouane dit n’avoir eu aucune nouvelle.Lire aussi Après le Hirak, le coronavirus : en Algérie, les entreprises tirent la sonnette d’alarme
Chaque année, des sitcoms, séries télévisées, émission spéciales humoristiques sont produites spécialement par les chaînes de télévision, accompagnées de nombreux spots publicitaires. Le succès de certaines séries algériennes dépasse désormais celui des feuilletons étrangers, comme Wlad Lahlal, histoire sociale d’un quartier populaire d’Oran, diffusée en 2019 et réalisé par le Tunisien Nassereddine Shili.
Problème, avec les mesures de prévention contre le Covid-19, les tournages ont été chamboulés. Pour parvenir à terminer leurs feuilletons, certains producteurs ont modifié les scénarios, d’autres ont poursuivi le tournage avec des équipes réduites, à grand renfort de masques FFP2. Mais plusieurs ont dû jeter l’éponge. « Nous avons reçu un message nous annonçant le report du tournage à une date non définie, raconte Idir Benaibouche, comédien qui devait jouer dans une comédie. Un rôle important dans une série de ramadan, ça assure le revenu de toute l’année. J’ai de quoi tenir deux mois. Mais ensuite… J’espère qu’on pourra reprendre les tournages après l’épidémie, sinon ça va être une catastrophe. » Nesrine, la jeune fonctionnaire a trouvé la parade : « C’est Netflix qui sauvera nos soirées. »
Reuters
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