La Garde nationale était déployée jeudi dans la ville de Minneapolis pour tenter de ramener le calme après une troisième nuit d’émeutes liées à la mort d’un Noir aux mains de la police, qui a ravivé les plaies raciales et suscité des manifestations dans tous les Etats-Unis.
Les soldats et des policiers anti-émeutes tentaient d’établir un périmètre de sécurité autour d’un commissariat incendié dans la nuit. Plusieurs commerces ont également été pillés dans cette ville du Minnesota sous haute tension depuis la mort, lundi soir, de George Floyd, juste après son arrestation.
Le président Donald Trump, qui a dénoncé à plusieurs reprises un crime « tragique », s’en est pris cette fois aux « casseurs ». « Les pillages seront immédiatement accueillis par les balles », a-t-il ajouté dans un tweet, que le réseau social a décidé de signaler comme une « apologie de la violence ».
Sur un ton diamétralement opposé, son prédécesseur démocrate Barack Obama a dit partager « la détresse » des millions d’Américains noirs, pour qui « être traités différemment sur la base de la race est tragiquement, douloureusement et de façon enrageante +normal+ ».
« Cela ne devrait pas être +normal+ dans l’Amérique de 2020 », a ajouté le premier président noir des Etats-Unis dans sa première réaction depuis la mort de George Floyd.
Cet Afro-Américain de 46 ans semble, selon une vidéo devenue virale, avoir été asphyxié par un policier lors de son interpellation pour un délit mineur.
Les quatre agents impliqués dans le drame ont été licenciés et des enquêtes fédérales et locales ont été ouvertes pour établir leurs responsabilités. Mais aucune arrestation n’a encore eu lieu, ce qui alimente toutes les frustrations.
« Les gens sont en colère car ce n’est pas la première fois que la police tue dans ce pays », a déclaré le révérend Al Sharpton sur la chaîne MSNBC vendredi matin. « Il n’y a aucune raison pour ne pas arrêter ces policiers », a ajouté cette figure de la défense des droits civiques depuis Minneapolis.
« Je ne sais pas quelles preuves supplémentaires » le procureur en charge du dossier espère recueillir, a ajouté Lee Merritt, un avocat de la famille Floyd.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, pour la troisième fois, les manifestations ont tourné à l’émeute aux abords du commissariat où travaillaient les quatre hommes.
Confrontées à l’avancée des manifestants, les forces de l’ordre avaient abandonné les lieux vers 22H00. Certains manifestants ont alors réussi à forcer les barrières de sécurité, à briser les vitres et à mettre le feu au bâtiment.
Plusieurs boutiques des alentours ont connu un sort comparable et les violences ont également gagné certains quartiers de la ville voisine de Saint-Paul, avec des heurts sporadiques entre policiers et habitants.
Au petit matin, de la fumée continuait de s’élever en plusieurs points de la ville, où militaires et policiers lourdement armés patrouillaient dans un climat tendu.
Une équipe de journalistes de CNN, qui couvrait la scène, a été arrêtée en direct par des policiers, et relâchée après deux heures. « Ces gens sont à cran », a simplement commenté le journaliste Omar Jimenez.
Les « cendres sont le symbole de décennies de souffrances », a commenté le gouverneur démocrate du Minnesota Tim Walz lors d’une conférence de presse. « Des générations de douleur s’expriment face au monde, et le monde regarde », a-t-il ajouté.
Tout en insistant sur la nécessité d’apporter des réponses de fond aux inégalités raciales, il a souligné que sa priorité immédiate était de « ramener l’ordre ».
« Je vous demande de nous aider à ramener le calme dans les rues pour que ceux qui demandent justice soient entendus, pas ceux qui lancent des cocktail molotov », a-t-il lancé avec émotion.
La colère commence à gagner d’autres villes américaines. Des manifestants ont bloqué une autoroute à Denver, d’autres ont défié les ordres de confinement à New York ou Phoenix.
A Louisville, dans le Kentucky, des affrontements ont eu lieu alors que des habitants demandaient justice pour Breonna Taylor, une femme noire tuée par la police dans son appartement en mars. Sept personnes ont été blessées par balles, dont deux restent hospitalisées, selon le maire.
L’émotion dépasse les frontières américaines. De nombreux Canadiens suivent avec « stupéfaction et horreur » la situation chez leur voisin, a estimé vendredi le Premier ministre Justin Trudeau.
George Floyd a été arrêté par la police parce qu’elle croyait qu’il voulait écouler un faux billet de 20 dollars. Lors de l’intervention, il a été plaqué au sol par un agent qui a maintenu son genou sur son cou pendant de longues minutes. « Je ne peux plus respirer », l’entend-on dire sur l’enregistrement de la scène.
L’affaire rappelle notamment la mort d’Eric Garner, un homme noir décédé en 2014 à New York après avoir été asphyxié lors de son arrestation par des policiers blancs. Lui aussi avait dit « Je ne peux pas respirer », une phrase devenue un cri de ralliement du mouvement Black Lives Matter (« La vie des Noirs compte »).
AFP