
Les trafiquants se révèlent des gestionnaires de crise avisés : malgré le ralentissement de l’activité, les difficultés de transports et d’approvisionnement, les cartels exploitent de nouveaux circuits et débouchés. Un baron de la drogue arrêté en Bolivie lors d’un simple contrôle de routine dans le cadre des mesures de confinement, le prix de vente de la cocaïne en baisse au Pérou, le sachet de cannabis en hausse à Paris et New York, une diminution de l’offre d’héroïne en Europe, dans le Sud-Ouest asiatique et en Amérique du Nord : les mesures prises par les autorités pour contenir la pandémie due au nouveau coronavirus ont provoqué une onde de choc sans précédent sur l’ensemble des marchés illicites de la drogue de par le monde, de la production à la consommation en passant par le trafic.
Dans un court rapport de l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime (UNODC), daté de mai, on apprend que de nombreux pays ont fait état d’une pénurie globale de nombreux types de stupéfiants à la vente au détail. Le document relève une augmentation substantielle des prix selon les régions, des réductions de pureté aussi, incitant les consommateurs à changer de drogue (de l’héroïne aux opioïdes synthétiques, par exemple) et à recourir plus fréquemment aux traitements médicamenteux. En Italie et en Asie centrale, les saisies de drogue ont baissé. En Afghanistan, la fermeture des frontières, en pleine période de récolte du pavot, entre mars et juin, fait, elle, craindreun risque croissant d’overdoses à travers le monde en raison des produits de coupes utilisés par les revendeurs pour pallier la pénurie.
La liste des bouleversements est longue. Elle prend des allures d’inventaire à la Prévert en Amérique latine, l’épicentre d’un trafic mondial de drogues estimé entre 426 et 652 milliards de dollars (soit entre 375 et 573 milliards d’euros) par an, selon Global Financial Integrity, un think tank basé à Washington.
Lemonde