
Constater de ses propres yeux que la Terre est bien ronde. Ce rêve, certains l’ont caressé toute une vie. Et s’ils attendent encore quelques années, ils pourront peut-être le réaliser en mettant un peu de sous de côté. Sans être pour autant obligé de débourser des millions d’euros pour grimper dans une navette comme celles développées par Elon Musk, Richard Branson ou Jeff Bezos, qui proposeront du tourisme spatial à bord de la station spatiale internationale ou lors de vols suborbitaux.
Sans viser l’espace et ses 100 km au-dessus du plancher des vaches, plusieurs sociétés se sont lancées ces dernières années dans les vols stratosphériques, grâce à des ballons pouvant atteindre une altitude avoisinant les 35 km et nettement moins polluants que les navettes spatiales. Que ce soit la start-up madrilène Halo Space, qui vient d’annoncer son premier vol d’essai pour la fin de l’année en Inde, Space Perspective en Floride ou encore World View en Arizona, toutes proposent un voyage inédit dans une capsule pressurisée avec vue sur la planète bleue à 360°.
Et les entreprises françaises ont décidé de ne pas rester à quai. Deux d’entre elles, implantées dans l’agglomération toulousaine, ont décidé de se lancer dans la mêlée : Zephalto et Stratoflight. Cette dernière, fondée par Denis Autier et Arnaud Longobardi, s’est associée au groupe d’ingénierie Expleo pour mettre au point une capsule un peu particulière. Dépressurisée, elle sera dotée d’un balcon où les touristes pourront « se balader ».
« Le côté sortie extravéhiculaire, c’est l’expérience en plus. On va mettre en situation les passagers d’être des astronautes, assujettis à la gravité, mais en combinaison pressurisée. Le seul filtre sera la visière du casque », explique Benoit Courouble d’Expleo dont l’équipe s’occupe de la conception de la capsule. Elle sera tractée par un ballon de 120 mètres de diamètre sur 120 mètres de haut utilisant de l’hydrogène décarbonée. Quatre passagers et deux pilotes monteront à bord pour ce voyage un peu spécial d’une durée d’un peu moins de six heures.
Descente comme en parapente
« Il y a une expérience triple pour le voyageur. La première est l’ascension sous un ballon, qui s’apparente à un vol de montgolfière. La deuxième, ce sera une sortie à l’extérieur d’une durée de 15 à 20 minutes par passager. La troisième ce sera à l’issue d’une descente du ballon à 8.000 mètres, le largage de la navette et l’ouverture d’une voile furtive et très maniable, hybride entre un parachute et un parapente. On a une pilotabilité et une précision d’atterrissage, tout ça aidé par des systèmes de navigation allégés par rapport à ceux d’un avion de ligne. Les pilotes feront du vol à vue, mais aidés par ces instruments », détaille Arnaud Longobardi, par ailleurs pilote dans la vie et pratiquant de sports extrêmes de type wingsuit.
La start-up Stratoflight s’est installée à Labège, à quelques encablures du CNES qui maîtrise depuis des années la technologie du ballon stratosphérique. L’objectif est d’utiliser tous les savoir-faire existants et de les adapter à ce vol stratosphérique. Si aucun grain de sable ne vient gripper ce projet un peu fou, en 2025, un prototype d’essai sera au point et certifié la même année. Avant le premier vol avec des passagers à bord d’ici à quatre années.
Deux bases et quatre navettes à terme
Pour l’heure, la commercialisation des places, dont le prix pourrait avoisiner les 300.000 euros, n’a pas encore débuté « mais des gens sont déjà intéressés », indique Arnaud Longobardi. Une aventure qui s’adresse aux passagers privés, mais aussi aux scientifiques qui pourraient faire des expériences. « Et de temps en temps, on voudrait permettre à un passager qui ne peut pas se payer ça de venir avec un projet personnel », poursuit Arnaud Longobardi. A terme, Stratoflight envisage d’avoir quatre navettes sur deux bases différentes, dont une en France, espèrent ses fondateurs. Chaque navette s’envolerait tous les trois à quatre jours, notamment en fonction des conditions météo. Et aux commandes se trouveront des pilotes ayant le brevet avec la capacité de vol aux instruments, mais aussi des capacités en matière de parapente et de parachutisme.
Les chanceux qui pourront se payer le voyage devront se former en amont au port de la combinaison d’astronaute, mais aussi aux différentes procédures, notamment la sortie extravéhiculaire. Aucune limite d’âge n’est fixée, mais les claustrophobes ont tout intérêt à s’abstenir.
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