Annoncée mercredi par des associations, la mort du journaliste camerounais Samuel Wazizi a été confirmée, vendredi 5 juin, par l’armée, qui a réfuté des actes de tortures.
Plusieurs syndicats camerounais de journalistes ont pourtant affirmé le contraire. Mais pour l’armée, Samuel Wazizi, accusé « d’intelligence avec les terroristes », est « décédé des suites d’une sepsis (septicémie) sévère » le 17 août 2019 à l’hôpital militaire de Yaoundé, moins de deux semaines après son arrestation.
L’armée affirme également que sa famille avait été prévenue de son décès, ce que réfute l’avocat du journaliste. « Nous sommes en contact étroit avec sa famille qui dit ne pas avoir été contactée : nous le représentions déjà au moment de son décès, nous étions les personnes à prévenir », a déclaré à l’AFP Me Edward Ewule, qui affirme avoir appris la confirmation du décès de son client à la lecture du communiqué de l’armée à la radio nationale. « Je suis dévasté, je suis le dernier civil à l’avoir vu en vie il y a dix mois », a-t-il ajouté.
« Logisticien de divers groupes terroristes »
Selon l’armée, Samuel Wazizi « se disait animateur dans une chaîne de télévision locale » mais « était en réalité un logisticien de divers groupes terroristes » séparatistes anglophones.
Depuis près de trois ans, les régions anglophones du nord-ouest et du sud-ouest du Cameroun sont ébranlées par de violents affrontements entre l’armée et des groupes séparatistes.
Les combats, mais aussi les exactions et meurtres commis contre des civils par les deux camps, ont fait plus de 3 000 morts et forcé plus de 700 000 personnes à fuir leur domicile.
« Zones d’ombre »
Alors que des syndicats camerounais de journalistes, mais également l’ONG internationale Reporters sans frontières, ont dénoncé le décès de Samuel Wazizi, l’armée rétorque qu’il s’agit d’un « nouvel épisode de diabolisation » des forces armées camerounaises.
« Seule une commission d’enquête indépendante pourra faire la lumière sur cette affaire », estime pour sa part Jude Viban, président de l’Association camerounaise des journalistes anglophones. Évoquant des « zones d’ombres », il se demande notamment « pourquoi le gouvernement n’a pas informé la justice de la mort de [son] confrère ».
Son avocat demande également une enquête indépendante, sur le modèle de celle qui avait mené à l’arrestation de sept militaires après la diffusion en 2015 d’une vidéo montrant l’exécution sommaire de deux femmes et de leurs enfants dans le nord du Cameroun.
Au 134e rang sur 180 au classement mondial de la liberté de la presse
Des cas de torture et de maltraitance des détenus sont régulièrement dénoncés par des organisations de défense des droits humains, qui s’inquiètent également du nombre élevé d’arrestations dans l’Ouest anglophone.
Cette crise, ainsi que les attaques du groupe jihadiste Boko Haram dans l’Extrême-Nord, ont écorné l’image d’un Cameroun, pays dirigé depuis 37 ans par le président Paul Biya, longtemps perçu comme un havre de stabilité en Afrique centrale.
Jeudi, l’ONU et l’ONG Human Rights Watch ont dénoncé une intensification des violences contre les travailleurs humanitaires qui opèrent dans ces deux régions, et accusent notamment les groupes armés de multiplier les enlèvements contre les humanitaires. Les forces camerounaises sont également accusées d’y entraver l’acheminement de l’aide.
AFP et France24