Accusé en Allemagne d’antisémitisme pour avoir dressé un parallèle entre l’apartheid en Afrique du Sud et la situation des Palestiniens, l’intellectuel camerounais Achille Mbembe a reçu le soutien de plusieurs grandes figures intellectuelles.
Die Zeit, le Frankfurter Allgemeine, le Süddeutsche Zeitung... Les plus grands journaux allemands se sont saisi de la polémique : Achille Mbembe est-il antisémite ? Le philosophe, historien, politologue et penseur post-colonialiste camerounais est au cœur, depuis la mi-avril, d’une virulente polémique qui agite la sphère politico-médiatique allemande.
Tout a commencé avec une lettre ouverte, signée Lorenz Deutsch, le porte-parole de la politique culturelle du groupe parlementaire FDP (Parti libéral-démocrate) au parlement de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, demandant d’interdire à Achille Mbembe de prononcer un discours lors de la Ruhrtriennale, un important événement culturel estival — qui a depuis été annulé pour cause de pandémie de coronavirus. L’argument de l’élu centriste ? Un passage de Politiques de l’inimitié (éd. de La Découverte, 2016, publié dans une traduction allemande l’année suivante), dans lequel Mbembe, évoquant la politique de colonisation israélienne, estime qu’elle « rappelle à certains égards » l’apartheid en Afrique du Sud. Un parallèle qui, selon l’élu allemand, relève de l’antisémitisme.
« Une campagne de diffamation »
Mais la polémique, qui aurait pu se cantonner aux frontières du parlement du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, a pris une ampleur nationale lorsque Felix Klein, qui dirige le Commissariat du gouvernement fédéral pour la lutte contre l’antisémitisme — créé en 2018 face à la montée des mouvements d’extrême-droite en Allemagne –, s’est fait l’écho de la demande. « Dans ses écrits universitaires, Achille Mbembe a assimilé l’État d’Israël au système d’apartheid d’Afrique du Sud, ce qui correspond à un schéma antisémite bien connu », a-t-il affirmé dans une interview, assurant que Mbembe « remet aussi en question le droit d’Israël à exister. »
« En découvrant ces attaques, j’ai crû que j’allais vomir, littéralement. Puis j’ai pensé qu’il s’agissait d’un canular », déclare Achille Mbembe à Jeune Afrique. Aujourd’hui, l’intellectuel ne décolère pas face à ce qu’il qualifie de « campagne de diffamation ». Il affirme même que, la polémique prenant de l’ampleur, il a été la cible de menaces et d’insultes à caractère raciste. « Klein s’exprime a partir d’une position d’autorité, mais sur la base d’une ignorance totale des débats académiques », tance Mbembe.
Jeuneafrique