A « consommer jusqu’au » ou « consommer de préférence avant »… On a tous déjà vu ces deux dates de consommation, qui doivent figurer sur les denrées alimentaires vendues préemballées dans l’Union européenne. Mais connait-on la différence entre les deux ?, demande-t-on à Too Good To Go France. L’entreprise de Lucie Basch, sa fondatrice et présidente, est surtout connue pour avoir mis au point une application smartphone qui permet aux consommateurs de retirer des paniers d’invendus alimentaires auprès de commerces ou de restaurants. En quatre ans, elle revendique 18 millions de paniers sauvés.
En parallèle, depuis octobre 2018, Too Good To Go se mobilise sur un autre pan du gaspillage alimentaire. Celui des dates de péremption et de la confusion qu’elles génèrent chez le consommateur entre la date limite de consommation (DLC) [« Consommer jusqu’au »] affichée sur certains paquets, et la date de durabilité minimale (DDM) [« consommer de préférence avant »], apposée sur d’autres. 53 % des consommateurs européens ne savent pas la signification de la première mention et 60 % celle de la seconde, pointait une enquête d’Eurobaromètre sur le gaspillage alimentaire en Europe parue en mai 2017.
Ça vaut pourtant le coup de le savoir. D’un point de vue sanitaire déjà. La DLC est une date sanitaire. Au-delà, consommer le produit peut comporter des risques sur la santé. On la trouve majoritairement sur les denrées périssables à conserver au frais, précise l’Institut national de la consommation. Des denrées sensibles car souvent riches en eau. Ce sont les viandes, les poissons et produits de la pêche, les œufs, certains produits laitiers, la charcuterie, les plats cuisinés réfrigérés, les salades composées, les jus de fruits frais…
Le « consommer de préférence avant », pas une date sanitaire
La DDM, quant à elle, est apposée sur les produits moyennement et peu périssables tel que les produits secs, stérilisés, lyophilisés et déshydratés. Typiquement les gâteaux secs ou les boîtes de conserve, précise, toujours, l’INC. On les trouve aussi sur les purées, les jus, les sauces et autres produits qui peuvent être conservés très longtemps mais, une fois ouverts, doivent être conservés au frais et consommés très rapidement. Cette DDM est uniquement indicative. « Passé cette date, le produit peut perdre certaines qualités nutritives et organoleptiques (gustatives, olfactives…), précise Lucie Basch. Par exemple, un gâteau sec sera peut-être moins croustillant. Mais il peut encore être consommé sans risque pour la santé. »
Autrement dit, pour le produit, cette DDM est juste « un jour comme un autre », mot d’ordre de la campagne de sensibilisation que lance Too Good To Go ce lundi, avec les 51 signataires* du Pacte sur les Dates de Consommation qu’elle a lancé en janvier dernier.
Une confusion source de gaspillage alimentaire
Derrière, il y a l’enjeu du gaspillage alimentaire. Chaque année, en France, dix millions de tonnes de nourriture consommable seraient jetées à la poubelle, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Soit l’équivalent de 150 kg par an et par habitant. Ce gaspillage commence dans le champ, se poursuit à l’usine où les denrées sont transformées, puis dans les commerces et la grande distribution où elles sont vendues.
Et il se termine, enfin, à nos domiciles. C’est la nourriture qui reste dans l’assiette quand on a eu les yeux plus gros que le ventre, « mais aussi ces produits que l’on jette avant de les avoir ouverts parce qu’on les croit impropre à la consommation », complète Lucie Basch. Selon l’Ademe, 33 % du gaspillage alimentaire a lieu dans nos foyers. Et sur cette part, 20 % sont imputables à une mauvaise lecture des dates de consommation, selon une étude datant de 2008 de l’association britannique Waste & Ressource Action Programme (Wrap) sur le coût du gaspillage alimentaire en Europe.
Pour clarifier l’information sur les dates de péremptions, les marges de manœuvre sont limitées. « En particulier sur les dates limites de consommation, indique Guillaume Garot, député (PS) de la Mayenne qui a porté la loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire de 2016. Ces DLC correspondent à une exigence de sécurité sanitaire et sont des acquis importants dans les droits du consommateur. »
Se passer de DDM sur certains produits ?
Pour les DDM, en revanche, le sujet est plus ouvert. Elles ne sont déjà plus obligatoires sur certains produits à la durée de vie très longue. C’est le cas du sucre, du sel de cuisine, des vinaigres, des fruits et légumes frais qui n’ont pas fait l’objet d’un épluchage, d’un découpage ou d’autres traitements similaires**. « On pourrait élargir encore la liste à d’autres produits comme les pâtes, le riz, les céréales, estime Guillaume Garot. La date de fabrication resterait mentionnée, au titre du droit à l’information du consommateur, mais plus une date de consommation pour éviter le blocage psychologique qu’elle peut provoquer. »
En revanche, il sera compliqué de se passer totalement des DDM. « Pour certains produits, ça reste une information pertinente que les distributeurs et industriels tiennent à donner aux consommateurs, indique Lucie Basch. Tout simplement parce qu’elle renseigne sur les conditions de consommation optimale d’un produit. »
« Goûtez, sentez, observez »
Pour Too Good To Go, il est tout de même possible d’être plus explicite sur les emballages, afin de mieux distinguer la DDM de la DLC. C’est l’un des engagements inscrit dans le Pacte sur les dates de consommation.
Dans ce cadre, Too Good To Go pousse ainsi pour rajouter après le « à consommer de préférence avant » la mention « mais toujours bon après » ou « mais aussi après ». Le tout accompagné par un pictogramme invitant le consommateur à faire appel à ses sens – « goûtez, sentez, observez » – pour se faire lui-même une idée de l’opportunité ou non de manger le produit. « Ce qui revient à refaire appel aux techniques qui étaient celles de nos grands-parents lorsqu’il n’y avait pas ces dates de consommations sur les emballages », rappelle Lucie Basch.
Des marques et distributeurs qui évoluent
Certains industriels et distributeurs s’y sont mis. C’est le cas, depuis juin dernier, de Bel pour sa marque « La Vache qui rit », dont 17 millions de boîtes intègrent désormais des explications sur la DDM. Notamment sur les intercalaires qui séparent les portions.
Autre exemple avec naturéO, une chaîne de magasins bio et l’un des 51 signataires du Pacte. « Nous avons à peu près 200 produits en marque propre, indique Yoan Haziza, le directeur général adjoint. Nous sommes en train d’en changer les emballages pour incruster les pictogrammes « goûtez, sentez, observez » et nous remplaçons le « à consommer de préférence avant le » par « Pour une dégustation optimale, à consommer avant » »…
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